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Édouard Louis, ou la transformation

Synopsis :

Edouard Louis, ou la transformation raconte la métamorphose d’un garçon, issu d’un milieu sous-prolétaire picard, en star de la vie culturelle française. Edouard Louis, devenu en quelques années l’écrivain porte-parole d’une génération, engage chacun de nous à faire de la transformation permanente un nouveau mode d’existence.
 
 

Critique :

 

À mi-chemin entre le documentaire et l’essai, une partie de la filmographie de François Caillat compose un florilège de portraits consacrés à des penseurs et écrivains — de Aragon à Foucault, en passant par J.M.G. Le Clezio, Pter Sloterdijk et Julia Kristeva—, dans une démarche de « romanesque documentaire », visant à penser le souvenir et l’oubli par l’introspection. C’est lors du tournage de Foucault contre lui-même (2014) que le réalisateur a travaillé pour la première fois avec Edouard Louis, alors encore étudiant, juste avant de connaître son succès littéraire avec la sortie d’En finir avec Eddy Bellegueule. Son parcours atypique de métamorphose sociale, d’un jeune homme d’une famille sous-prolétaire de Picardie à l’un des écrivains contemporains les plus reconnus de notre époque, a inspiré François Caillat pour un nouveau portrait-documentaire : Edouard Louis, ou la transformation. Revisitant les lieux de son enfance, l’écrivain retrace ses souvenirs d’une enfance douloureuse, hantée par la honte sociale et le désir constant de devenir quelqu’un d’autre, jusqu’à sa réinvention à travers le théâtre et l’écriture. Porté par le discours sociologique d’Edouard Louis, le film de François Caillat produit un dialogue perpétuel entre l’intime et la politique.

© Tempo films / Acqua Alta / Docs du Nord / Le Fresnoy – Studio des arts contemporains / Pictanovo

Grâce à sa structure protéiforme, assemblant les images d’Edouard Louis s’adressant à la caméra, des extraits de pièces de théâtres tirées de ses textes, des séances de lecture de ses textes en studio d’enregistrement, et quelques rares photos d’archive, Edouard Louis, ou la transformation donne un relief et une densité formelle au discours de l’écrivain. L’improvisation y occupe pourtant une part égale, y conférant un naturel et une spontanéité teintée de touches d’humour : le récit en devient alors à la fois pénétrant, par les constats  sociologiques qu’il soulève, et léger, par les anecdotes parfois comiques narrées par Edouard Louis.

© Tempo films / Acqua Alta / Docs du Nord / Le Fresnoy – Studio des arts contemporains / Pictanovo

Le film de François Caillat se déroule à la manière d’une itinérance : la caméra se déplace à travers les lieux emblématiques de l’enfance d’Edouard Louis, filmant son visage empli des émotions et souvenirs rejaillissants. À l’inverse, les images d’archives surgissent avec une grande parcimonie, comme dans une sorte de pudeur de l’image au passé. François Caillat privilégie un portrait géographique du souvenir, où les émotions naissent de l’image figée d’un lieu qui, n’existant plus dans le temps présent pour le sujet, renaît par l’évocation mémorielle. Edouard Louis, ou la transformation déploie alors un manifeste sociologique particulièrement émouvant, sous la forme d’un cheminement épuré du souvenir intime. C’est à travers la visite des lieux de son enfance (la Maison de la Culture d’Amiens, un cinéma, son internat) que se produisent les réflexions de l’écrivain autour des classes dominantes et du phénomène de la honte sociale. Par le récit de son arrivée au lycée, Edouard Louis constate que « l’écart entre l’être et le paraître est une frontière assez poreuse » : il s’agit de faire étalage de son capital culturel pour prouver son appartenance à un groupe social dominant. Dans la même perspective, l’écrivain définit les classes dirigeantes par la notion de mensonge : elles s’évertuent perpétuellement à nier et cacher les besoins physiologiques. Lors d’un repas de famille issue de la bourgeoisie, par exemple, une attention particulière est accordée à la mise en scène et aux manières : « On produit de l’esthétique plutôt que du physiologique ».

© Tempo films / Acqua Alta / Docs du Nord / Le Fresnoy – Studio des arts contemporains / Pictanovo

Edouard Louis, ou la transformation, en plus d’illustrer la discrimination fondée sur la précarité sociale, souligne la violence homophobe omniprésente dans le milieu dont Edouard Louis est issu. Une intersectionnalité que lui-même explique par la violence des classes sociales dominantes, pour qui l’idéologie du soin du corps, lié au niveau de capital culturel, inculque aux classes inférieures, par effet d’opposition, une obsession de la masculinité — « On n’a que nos corps pour nous ». L’homosexualité est donc davantage stigmatisée dans les milieux prolétaires, et Edouard Louis surenchère en déclarant avoir été « créé par l’insulte ». En suivant un chemin de pensée autour de ces « forces » qui l’ont produit, le film de Français Caillat révèle le processus de transformation sociale vécue par Edouard Louis, notamment à travers les extraits de pièces de théâtre tirées de En finir avec Eddy Bellegueule : un hommage à l’art même qui lui a permis la transcendance de sa condition et sa « réinvention ». Edouard Louis, ou la transformation va alors au-delà du simple portrait, en proposant des pistes de réflexion quant au libre-arbitre et à la création artistique comme vecteur de transformation de soi.

Les bandes-annonces des films de la semaine :